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« Bangui, unité spéciale », première série africaine contre les crimes sexuels

La production d’une série en République Centrafricaine est un sport de combat. Surtout quand cette série s’attaque à des ennemis tels que violeurs, pédophiles ou proxénètes. Comme ses héroïnes (l’inspectrice de police Régine et la substitut du procureur Awa), Elvire Adjamonsi, créatrice de la série « Bangui, unité spéciale » a du courage à revendre.
C’est sûr ! Le 6 mars 2021 débutera le tournage de la toute première série télévisée centrafricaine, soutenue par le Fonds Image de la Francophonie dans le cadre du projet Clap ACP. La Centrafrique vit dans la hantise d’un retour à la guerre civile, elle se prépare à un second tour de scrutin à haut risque et ce sont de longs mois de tournage qu’il faudra mener à bien… Mais, c’est sûr, les premières prises de vues débuteront à Bangui et il faudra ensuite s’aventurer à Bayanga et Boali où Elvire Adjamonsi compte sur la MINUSCA (la force de paix des Nations Unies) et l’armée centrafricaine pour assurer la protection de son équipe. Comme si le lancement de ce projet pionnier, au moment-même où le pays semble renouer avec ses vieux démons, ne représentait pas un défi suffisant, Elvire a choisi d’aborder dans « Bangui, unité spéciale » un sujet vraiment « spécial » : les violences sexuelles. Mais quand on vient du pays des Amazones du Dahomey, que l’on a bourlingué à travers toute l’Afrique de l’Ouest et du Centre et que l’on a vécu deux guerres civiles, rien ne vous arrête. Surtout si, comme Elvire, on est convaincue que la fiction est le meilleur moyen de porter la parole de victimes qu’aucun reporter ni aucun documentariste ne pourra jamais décider à témoigner sur ce qu’elles ont subi.testDoris Sokeng dans le rôle de l’inspectrice Régine

« Il faut qu’on en parle ! »

« Bangui, unité spéciale », c’est l’histoire d’une inspectrice de police (Régine) qui intègre la toute nouvelle « Unité spéciale des victimes ». Cette brigade a été créée pour enquêter sur « les violences basées sur le genre, l’exploitation et les abus sexuels », c’est-à-dire non seulement les viols et les agressions mais aussi l’inceste, l’exploitation sexuelle et même les violences sexistes, dirigées le plus souvent contre des filles ou des femmes mais qui peuvent aussi toucher des hommes ou de jeunes garçons. Un épisode de la série porte d’ailleurs sur l’agression subie par un jeune homosexuel. Un choix audacieux pour le continent africain où près de la moitié des pays ont des lois réprimant l’homosexualité. Mais Elvire assume : « Il faut qu’on en parle un jour ! ».

En suivant l’« Unité spéciale » dans ses enquêtes, on découvre qu’au-delà de sa volonté farouche de protéger les victimes et de mettre fin à l’impunité des bourreaux, l’inspectrice Régine poursuit une quête personnelle : sa sœur Agnès, alors âgée de treize ans, et son fiancé Franck ont été enlevés. Agnès a été violée et demeure introuvable. Quant à Franck, Régine a appris sa mort quelque temps après l’enlèvement.

La série met en scène des victimes d’actes de guerre civile ou de troubles politiques, dont la République centrafricaine n’a pas été avare au cours des vingt dernières années, mais elle aborde aussi des situations tout aussi tragiques mais beaucoup plus banales : inceste, pédophilie, viols « de droit commun ». Des situations, rappelle Elvire, que l’on retrouve partout. « Même au Bénin, qui ne connaît pas la guerre, des femmes et des enfants sont violés et subissent des agressions de tout genre mais n’ont jamais le courage d’en parler. »testElvire Adjamonsi, réalisatrice de la série

Propos d’Elvire Adjamonsi recueillis par Pierre Barrot

Pour contacter Elvire Adjamonsi : banguiunitespeciale@gmail.com

La vraie brigade de Bangui

Pour écrire « Bangui, unité spéciale », Elvire Adjamonsi ne s’est pas seulement inspirée de la célèbre série américaine « New York, unité spéciale », diffusée depuis plus de vingt ans à travers le monde. Il existe aussi en République centrafricaine (depuis 2017) une Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles (UMIRR). En 2020, elle comptait 45 agents et ne cessait d’étendre son activité. Selon le site Le Monde-Afrique, à mesure que la parole des victimes se libère, le nombre d’affaires pris en charge par l’Unité augmente sensiblement : 3579 dossiers en 2018, 7565 en 2019. Interrogé en 2020 par le journaliste français Gaël Grilhot, le directeur de l’UMIRR, Paul Amédée Moyenzo, citait le cas effroyable de vingt-quatre femmes peules violées par des membres de groupes armés à Bossangoa.

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