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Édito Parlement de la CEDEAO, Débat ou Combat ? : Accusations d’Appauvrissement et Réaction Explosive d’une Députée Ivoirienne

L’arène politique ouest-africaine a récemment été le théâtre d’une scène tumultueuse qui a mis en lumière la fragilité des relations interparlementaires au sein de la CEDEAO. Lors d’une session animée, la nouvelle vice-présidente de la CEDEAO, la députée ivoirienne Adjaratou Traoré, a réagi avec une véhémence inattendue aux propos du député sénégalais Gui Marius Sagna. Ce dernier avait affirmé, sans détour, que « ce sont nos chefs d’État africains qui ont appauvri l’Afrique ». Sagna réagissait à l’utilisation de l’expression « pays pauvres » par le PNUD pour désigner certains pays de l’Afrique de l’Ouest, préconisant plutôt l’utilisation du terme « appauvri ».

La réaction de la députée Traoré, qui a semblé vouloir en découdre physiquement avec son homologue sénégalais, a laissé nombre de ses collègues et observateurs perplexes. Cette colère noire, presque palpable, nous amène à nous interroger sur la nature même des débats au sein des instances régionales africaines. La passion, bien que souvent nécessaire pour défendre des convictions, doit-elle pour autant se traduire par une agressivité qui frôle l’incivilité ?

Le propos de Gui Marius Sagna, bien que polémique, soulève une question cruciale et légitime : quelle est la part de responsabilité des dirigeants africains dans la situation économique du continent ? Cette interrogation mérite d’être explorée et débattue sereinement, loin des cris et des emportements. Il est regrettable de constater que la députée Traoré, en cédant à une réaction viscérale, a quelque peu détourné l’attention du fond du débat pour la recentrer sur la forme.

Le rôle d’un parlementaire, encore plus lorsqu’il occupe un poste aussi élevé que celui de vice-président de la CEDEAO, est d’incarner la sérénité et la réflexion, d’apporter des arguments et des solutions, et non de tomber dans l’escalade verbale. La scène à laquelle nous avons assisté risque fort d’entacher l’image de l’institution et de renforcer les stéréotypes de divisions internes et de manque de maturité politique. Cette altercation vient également mettre en mal la CEDEAO, déjà qualifiée par bon nombre d’Africains comme un conglomérat de chefs d’État plutôt que comme une CEDEAO des peuples.

Cela étant dit, il est aussi crucial de reconnaître que l’émotion peut être un moteur puissant pour le changement. La réaction de la députée Traoré témoigne d’une profonde attache à la défense des leaders africains, qu’elle estime injustement accusés. Toutefois, il est impératif que cette émotion soit canalisée pour nourrir des débats constructifs et non des confrontations stériles.

En fin de compte, cet incident doit servir de leçon pour tous les parlementaires africains. La CEDEAO et autres institutions régionales doivent devenir des lieux où les débats, même les plus vifs, se déroulent dans le respect et la dignité. Ce n’est qu’à ce prix que l’Afrique pourra trouver des solutions durables à ses défis économiques et politiques, et que ses leaders pourront véritablement travailler ensemble pour le bien commun de leurs peuples.

Adjaratou Traoré et Gui Marius Sagna nous rappellent, par cet épisode, que l’émotion et la passion, si elles sont indissociables de l’engagement politique, doivent toujours être au service de la raison et du dialogue. C’est ainsi que nous pourrons espérer voir l’Afrique se relever et prospérer, à l’abri des querelles intestines et des emportements personnels.

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