Invité sur la télévision Golfe TV à Cotonou: Le professeur Joël AÏVO refuse le parrainage de Talon
Le professeur de droit constitutionnel Frédéric Joël AÏVO a été l’invité de la télévision Golfe TV dans l’émission ma part de vérité ce dimanche 24 janvier 2021.Il s’est prononcé sur les questions d’actualité notamment les présidentielles de 2021 et les réformes politiques menées par le président Talon. Il confirme sa candidature pour les élections présidentielles mais refuse d’aller quémande un parrainage qu’il appelle d’ailleurs le peuple béninois à se mobiliser pour empêcher. << Trouvez-vous normal que j’aille auprès des deux partis politiques, que j’aille persuader le pouvoir de la pertinence de mon projet, afin d’obtenir leur autorisation pour me présenter contre eux et éventuellement de les battre ? Vous avez vu ça où dans quel pays africain ? C’est seulement dans un match amical qu’une équipe peut choisir son adversaire. Ce que fait le pouvoir, ne ressemble à aucune idée de la démocratie>>. Lire ici l’essentiel de la trame de son idée.
Sur la candidature annoncée de Patrice Talon
Sans langue de bois, le professeur de droit constitutionnel a abordé la candidature du président Talon qui prêté le 6 avril 2016 en jurant de faire un mandat unique après avoir fait une campagne présidentiel sur la même promesse. Le 2e mandat de Talon est une question éthique et non juridique, une violation de son serment. « Même si constitutionnellement Président Talon a le droit de se présenter pour un second mandat, la question de la candidature du président de la République est une question morale, une question éthique ». Ce manquement à la parole donnée lors des campagnes électorales qu’au cours de la cérémonie solennelle d’investiture est l’expression de l’échec du président Talon qui cherche un second mandat pour se rattraper mais aussi pour assoir et consolider les bases de la dictature imposée comme mode de gouvernance. Pour le professeur « l’intérêt de l’action publique c’est de faire en sorte que la grande masse sorte de la pauvreté. Ce n’est pas parce que les entreprises de 6 personnes fonctionnent très bien que les 12 millions de béninois marchent bien. Le gouvernement doit se rendre compte du drame social qui se joue dans le pays depuis qu’il est arrivé au pouvoir. La loi sur l’embauche est un crime social ».
Démocratie, droit de l’homme et parrainage
Abordant la démocratie béninoise éprouvée par une la révision en procédure d’urgence et une série de lois adoptées au Parlement dont la loi sur le parrainage, le professeur AIVO se montre grave, sérieux et confiant. « Nous avons dit que nous voulions rétablir la démocratie et on nous avait rétorqué que la démocratie était inutile et ne nous avait rien apporté. Je suis heureux de constater que depuis quelques jours les mêmes nous ont rejoints sur la nécessité de défendre la démocratie (allusion au discours de candidature du président. Nous avons l’impression que quand le régime parle, il parle à des moutons. Le principe du parrainage n’est pas en débat. Trouvez-vous normal qu’au moment de l’institution du parrainage, le chef de l’État ait déjà plus de la moitié du parrainage ? Il n’y a pas de procédure d’urgence en matière constitutionnelle. Ceux qui ont été élus conseillers communaux, ce ne sont pas eux qui siègent. Et ceux qui sont maires n’ont pas tous été élus par les conseils communaux. Ce sont les partis politiques du chef de l’État qui les ont désignés. J’ai beaucoup de respect pour le président Amoussou, mais à quel conseil communal appartient-il pour désigner les maires ? À qui obéissent les députés ? À l’UP, au BR et au Président de la République. Les maires ont été répartis depuis la place Bulgarie et la place de l’Etoile Rouge.
Trouvez-vous normal que j’aille auprès de ces deux partis politiques, que j’aille persuader le pouvoir de la pertinence de mon projet, afin d’obtenir leur autorisation pour me présenter contre eux et éventuellement de les battre ? Vous avez vu ça où dans quel pays africain ? C’est seulement dans un match amical qu’une équipe peut choisir son adversaire. Ce que fait le pouvoir, ne ressemble à aucune idée de la démocratie. Nous sommes à moins de deux semaines de la clôture du dépôt des candidatures, et à part le président de la République dont les partis ont braqué les fiches de parrainage, on ne connaît aucun autre candidat.
Je pensais qu’ils étaient convaincus que leurs idées étaient bonnes. Depuis, ils essayent de dire que leurs idées étaient bonnes parce que je serais avec eux. Ils veulent me faire porter tous les chapeaux. Je ne suis pas avec eux.
Malgré la réforme du système partisan, à la fin aucun des partis politiques n’a pu présenter un candidat au sein de ses membres. Et après avoir désigné un indépendant (le chef de l’État), ils ont le culot de dire, contre les dispositions de la constitution, que leurs élus ne peuvent pas parrainer un candidat en dehors du choix du parti.
À quelques mois de l’élection présidentielle, le pays est mort. Il n’y a pas de candidat, pas de projet, pas d’ambition. La réforme du système partisan est un échec. Ce n’est pas au Chef de l’Etat de garantir que l’élection présidentielle sera ouverte. C’est la preuve que nous sommes dans une crise démocratique majeure.
Quand les médecins parlent, je ne parle pas, quand les plombiers parlent, je ne parle pas. Mais sur les questions constitutionnelles, j’ai une petite expertise.
Sur la prolongation du mandat
Si vous prenez un n’importe quel constitutionnaliste dans le monde, il vous dira que 5 ans, c’est 5 ans. Le président Talon a été élu et a prêté serment devant la cour constitutionnelle pour 5 ans et non pour 5 ans 45 jours. Sauf à nous dire que le serment ne sert à rien, sauf à nous dire que ce qui a été fait à Porto-Novo le 6 avril 2016 ne sert à rien.
Si on accepte aujourd’hui, que pour aligner les mandats (ce qui est faux), un parlement peut rallonger le mandat d’un président élu, c’est que demain, un parlement peut décider qu’on peut lui rallonger 1 an, 2 ans…
J’ai pour hygiène intellectuelle de ne pas commenter les propos de mes collègues. Mais je pense même que le professeur Holo a voulu rendre service au Chef de l’État. Aucun constitutionnaliste de renommée internationale ne pourra dire que la prorogation du mandat d’un président de la République peut être rétroactive. La prorogation du mandat du président ne peut être que frauduleusement rétroactive. »
La question de la prorogation du mandat du président de la République doit être traitée avec fermeté. Chaque fois que j’ai l’occasion de leur parler, je leur demande à quelle phase de leur parcours politique correspond le fait de demander à leurs adversaires d’aller leur demander l’autorisation de se présenter contre eux. Je sais que le président Talons n’aurait jamais accepté ça. Le président Amoussou, le président Houngbédji n’auraient jamais accepté que le régime au pouvoir leur impose de demander son autorisation pour se présenter à une élection présidentielle. Moi non plus je ne l’accepterai jamais ».
Les tueries, la prison et le sens de sa candidature
Les tueries de l’armée à la suite des révoltes provoquées par les élections législatives exclusives ont fait monter d’un cran la détermination de l’universitaire.
« J’ai haussé le niveau de mon engagement quand en mai 2019, j’ai assisté à la guérilla urbaine à Cotonou, à Savè, à Kandi, à Banikoara, à Kilibo, quand j’ai vu un ancien président de la République séquestré chez lui du fait de la politique. La seule hypothèse que j’ai sur la table, c’est celle de la candidature. Je peux vous dire que je suis prêt pour la fonction. Je suis préparé à la dureté de la violence du combat politique. Je ne parle pas beaucoup, mais je reçois tellement de coups que beaucoup me demandent comment j’arrive à rester debout.
Les objectifs du combat contre le régime Talon résumé en 5 piliers:
1- Rassembler les béninois et apaiser ce pays
2- Rétablir la démocratie
3- Relancer l’économie en cassant les monopoles et en favorisant les investissements
4- Redistribuer la richesse nationale. L’État ne fait pas des bénéfices, l’état fait des économies et les redistribue pour faire baisser le niveau de pauvreté
5- Repositionner le Bénin sur la scène internationale. Nous avons fui du monde et le monde nous fuit.
À l’endroit de la communauté internationale
Je voudrais demander à la communauté internationale, aux amis et aux partenaires traditionnels du Bénin, de ne pas détourner son regard du drame qui se joue chez nous. Le Bénin qui a été révélé ne plaît pas aux Béninois, parce que c’est un Bénin d’injustice sociale, d’injustice sociale et d’injustice politique. Ce Bénin-là ne plaît pas aux Béninois.
Le 6 Avril, nous allons installer un nouveau chef d’État, je souhaite que cela se passe dans la joie et dans l’allégresse. Les décisions qui ont l’ambition de durer doivent être consensuelles, elles doivent avoir l’adhésion du plus grand nombre. Regardez aux États-Unis, la plupart des décisions que le président Trump a prises en braquant le pays sont tombées moins de 24h après son départ du pouvoir ».
À la conscience des béninois.
Les questions décisives auxquelles Pr AIVO appelle les béninois à répondre dans les unes à l’occasion de l’élection :
– ce n’est pas pour le progrès économique
– mais un choix de société, d’économie, de démocratie, par rapport aux ressources publiques est connu. Le pouvoir a fini de montrer sa doctrine. Nous sommes dans une société de la peur, de brutalité. Les Béninois veulent-ils cela ? L’évangile de la peur contre l’Évangile de l’espoir. Le gouvernement gouverne pour qui? La vie du citoyen Lambda ou des institutions internationales? Une croissance économique non inclusive, est humaine lorsqu’elle ne permet pas aux citoyens de résoudre ses problèmes. Talon a fait une croissance creuse avec des emplois détruits, licenciements ( Sonacop, Sonapra, enseignements, police, armée, société fermées, absence de marchés). Les investisseurs de la région ont déserté. Nous assistons à la promotion d’une économie de chiffre et statistiques ».
Le dialogue itinérant du professeur avec le peuple lui a permis d’entendre : la détresse, la pendaison du fait qu’ils n’en peuvent plus. La loi sur l’embauche est un crime qui esclavage des gens, cause la perte du travail, les familles se cassent a fait observer le professeur sur le plateau de Golfe TV. « Au-delà de la démocratie, un vrai drame social sur l’emploi, les affaires. L’intérêt de l’action publique est de faire en sorte que la grande majorité sorte de la précarité, ce n’est pas le cas. Les investissements sur le capital humain sont absents ».
Sur la tournée du chef de l’État
Appréciant la tournée président Talon, il conclut que : le président Talon a rencontré ses élus et ses partisans. Il avoue ne l’avoir pas vu au cœur des populations.
À propos des autres forces de la résistance
Le Front FRD est profondément attaché à la démocratie. Pour le front, il est urgent de : rassembler, apaiser et de restaurer la démocratie. Le Front est ouvert.
Au sujet de ceux qui sèment la confusion sur les prises de position du professeur. Il répond ceci: « Je suis le premier à dire que le parrainage tel qu’aménagé est mortifère. Je mets quiconque au défi pour prouver qui il se dit. Il n y a pas de procédure urgence en matière de révision constitutionnelle. Ça n’existe pas. Sur le parrainage, le Bénin ne l’invente pas, mais les modalités sont mauvaises. Burkina Faso, Sénégal, Cameroun, France ont tous un parrainage populaire. Ce n’est pas normal que le PR ait déjà tous les parrains au moment du vote. Le gouvernement a vendangé les communales, avec le seuil de 10%. Ceux qui ont été massivement élus ne siègent pas cas de Porto-Novo, Semè-Podji et Adjarra). Les élections des maires nommés depuis le siège de l’UP et du BR, désignés par des personnes non membres des conseils Communaux sur la base d’une loi interprétative. 83 députés à Talon qui les a désignés candidats. Ils obéissent à Talon, votent tout à l’unanimité, lourdement en faveur du gouvernement, obéissent aux doigts et à l’œil de Talon. Ce n’est pas normal d’aller qu’ un opposant négocier des parrains et lui exposant son projet, pour que le pouvoir accepte de sélectionner ceux qui lui conviennent, pour les battre ? Je n’accepterai jamais cela ! Je reste debout contre cette disposition. C’est seulement dans un match amical. Dans un match officiel, ce n’est pas à une équipe de choisit ses adversaires. A moins de 2 semaines de clôtures, seul Talon est candidat.
Les parrainages sont braqués. La charte politique est rétroactive. Il n’y a pas de militants des Partis, candidat à la présidentielle. Donc aucun parti n’a présenté de candidat, Talon n’est membre d’aucun parti, donc Talon est indépendant (pas comme Faure, ….) Il est toujours indépendant !
Et UP a le courage de dire que ses élus n’ont pas le droit de parrainer des indépendants. Contradictoire ! Tout ça pour ça !? Englouti autant d’argents pour ça. Des morts, des détenus, des exilés pour rien ? c’est donc l’échec des lois. Les réformes ont conduit à zéro candidat. Le remède a tué le malade. Ce sont les questions qui fâchent » a conclu le professeur.
La porte de sortie
La solution est dans le dialogue franc et inclusif. Pr AIVO propose de s’asseoir de façon consensuelle. Le chef de l’État est lui seul responsable. Il rappelle qu’il a été membre en 2011de la commission Gnonlonfoun et 2017 membre de commission de relecture de la constitution dont il a été le Rapporteur général, mais les propositions de la commission ont été reformulées par le gouvernement. Il a exprimé est exprimé son désaccord en son temps.
Je suis prêt à parler avec celui qui est prêt à défendre le bilan économique du gouvernement. Quand j’écoute le gouvernement, j’ai le sentiment que le président et le ministre sont impressionnés par leurs propres chiffres. La croissance économique vantée par le gouvernement est une croissance inhumaine. En 5 ans je n’ai vu que des emplois détruits, beaucoup d’entreprises ont fermé. Combien d’investisseurs ont été drainés vers le Bénin ? Des interrogations du professeur AIVO qui suscitent un débat contradictoire.
Transcription et séquences réalisées par la Cellule de communication du Professeur Frédéric Joël Aïvo
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