Fabien Ouédraogo, président de l’ordre des architectes du Burkina (OAB) : « c’est un milieu qui n’est pas facile et la compétition est très rude »
Après la 5e édition de la semaine des architectes, tenue du 02 au 7 février 2021, le président de l’ordre des architectes du Burkina (OAB), Fabien Ouédraogo a accordé un entretien à livenewsafrica.info. Cette interview nous a permis d’échanger sur du métier de l’architecte, les difficultés liées à son exercice et l’avenir de cette profession au Burkina. C’était le vendredi 12 février 2021 au siège de l’institution à Ouagadougou..
Mr Fabien Ouédraogo, que peut-on retenir du métier d’architecte ?
L’architecte est un aménageur d’espace et un concepteur. Quand il y a un projet de construction, il en est le maitre d’œuvre, le chef d’orchestre. Il se fait accompagner par des professionnels de son choix (dessinateur, ingénieur génie civil, ingénieur climatisation et autres). L’architecte conçoit, suit la réalisation et accompagne le maitre d’ouvrage dans l’achèvement des travaux.
Et si on vous demandait de donner un aperçu sur le cursus d’un aspirant à l’exercice de cette profession, que diriez-vous ?
Pour être architecte, il faut au minimum 5 à 6 ans d’études supérieures après le BAC. La formation est dispensée dans des écoles de l’UEMOA, dans les pays du Maghreb, en Europe et en Amérique. Il faut être de préférence titulaire d’un BAC scientifique (C, D, F ou E) car il y’a des matières qui requièrent un bon niveau en mathématique ou en physique. Un étudiant détenteur d’un BAC non scientifique peut aussi réussir dans la filière. Tout dépend de ses aptitudes personnelles. En réalité, on ne devient réellement architecte, que lorsqu’on commence réellement à exercer le métier.
Pour ce faire il faut être affilié et inscrit au tableau de l’Ordre, en plus d’un agrément technique délivré par le ministère en charge de l’urbanisme et de l’habitat.
Il n’y’a pas d’autres conditions spécifiques sauf qu’au niveau de l’UEMOA, les différents ordres sont réunis autour d’un organe consultatif dénommé « la conférence des ordres des architectes de L’UEMOA » mise en place par les Ministres en charge de la construction de l’espace UEMOA, avec pour mission de faciliter la libre circulation des architectes dans les pays concernés. Il faut donc être issus d’une école d’architecture reconnues par ses Ordres. Afin que la libre circulation soit effective, il faut que tous les différents ordres travaillent à harmoniser leurs textes. La Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Niger ont terminé la relecture de leurs textes et fait adopter la loi sur la profession par leurs parlements respectifs. Au Burkina, ce n’est pas encore le cas malgré tous les efforts déployés par l’Ordre.
Parlez nous du rôle de l’ordre des architectes du Burkina Faso ?
L’Ordre des Architectes du Burkina existe depuis 1991. C’est un ordre très organisé. Il regroupe 230 architectes, dont 10% de femmes. Il a pour mission principale le contrôle de l’exercice de la profession d’architecte, la correction des dysfonctionnements majeurs, la veille en matière de bonne moralité des membres. Le métier d’architecte est un métier honorable. Nous devons aussi nous assurez que nos membres respectent les textes qui règlementent la profession (La Zatu, le Kiti, le code de devoir professionnel, et le règlement intérieur). Nous assurons la formation continue et le perfectionnement de nos membres. Nous pouvons également ester en justice pour les cas où l’ordre est interpelé.
La semaine des architectes a refermé ses portes le dimanche 7 février. Que peut-on retenir de cette 5e édition ?
La semaine de l’architecte est une activité inscrite dans nos textes. Ainsi, à une période jugée propice, tous les deux ans, les architectes organisent une semaine de l’architecte en vue de communiquer et de sensibiliser la population sur le métier. La 5è édition était prévue pour se tenir en 2020. La crise sanitaire ayant engendrée une crise économique, nous l’avons repoussé pour 2021. La tenue de la présente édition n’était pas gagnée d’avance car nous avons dû tenir compte des exigences sanitaires de cette crise persistante, avec en plus une faible mobilisation des sponsors. Mais, nous nous félicitons de la tenue de cette édition, avec un bilan satisfaisant dans l’ensemble. Au-delà de la semaine de l’architecte, il y a d’autres canaux de communication, par lesquels nous passons des messages pour sensibiliser les populations. Il y a les insertions dans les journaux, les affichages publicitaires, les réseaux sociaux et bien d’autres.
Malgré vos efforts, une confusion persiste dans les esprits entre le rôle des architectes et celui des entrepreneurs dans les projets de construction. Comment vous comptez remédier à cela ?
La confusion entre entrepreneur et Architecte est due à une méconnaissance du métier. Les raisons sont diverses. Nous pouvons citer entre autre, le niveau d’instruction de nos populations. Même les plus instruits font l’amalgame entre l’Architecte, l’entrepreneur, l’ingénieur… Donc nous sommes dans ce combat de clarification par tous les canaux de communications disponibles, pour montrer aux uns et aux autres le rôle fondamental de l’architecte.
Le rôle de l’architecte c’est de concevoir un projet, qu’il fait valider par son client. Il s’entoure par la suite de divers techniciens comme :
- Un ingénieur génie civil chargé de l’étude des structures (Fondation, poutre, dalle, poteaux…)
- Un ingénieur en climatisation (on ne climatise pas un centre commercial de la même manière qu’on climatise un bureau ou une maison…)
- Un ingénieur informatique
- Un ingénieur en sécurité
- Un ingénieur en électricité
- Et plein d’autres ingénieurs en fonction du projet.
Avec l’aide de tous ses techniciens, il met à la disposition de son client une documentation technique pour lui permettre de choisir un entrepreneur par rapport à leur structure de prix. Et c’est l’entrepreneur qui construit, sous la supervision de l’architecte et des ingénieurs.
Un ministre de l’urbanisme et de l’habitat a été nommé en la personne de Me Sankara. Qu’attendez-vous de lui ?
Lorsque nous avons été reçu par notre ministre de tutelle, Me Bénéwindé Stanislas Sankara, nous avons profité pour poser un certain nombre de préoccupations, notamment la relecture des textes fondamentaux de l’Ordre des Architectes du Burkina que nous avons entamé il y a près de 4 ans. En tant que praticien de droit, il sait comment fonctionnent les ordres puisqu’il est dans lui-même membre d’un Ordre. J’ose espérer que la loi sur le métier d’architecte verra le jour sous son ministère. Cela va permettre de réguler un peu le métier et permettre aux architectes Burkinabé d’être plus à l’aise par rapport à certaines missions et aussi pouvoir exercer dans d’autres pays de la sous-région sans difficultés majeures. Cette loi va nous permettre également de mettre en place le stage en architecture pour que tout étudiant qui finit ses études, ait l’obligation de faire un stage de deux ans dans un cabinet en vue d’acquérir un minimum de bagage professionnel. Cela va permettre à l’Ordre de devenir plus professionnel comme l’Ordre des Avocats, des Experts Comptables et j’en passe.
lors de la 5ème édition de la semaine des architectes, le public a eu droit a quelques innovations dont l’inauguration du monument de l’architecte. Quel commentaire cela peut susciter auprès de vous ?
Le monument est composé d’une vingtaine de petites dalles et chaque dalle a une épaisseur propre à elle. Chaque dallette à une orientation différente et une forme différente des autres. Toutes ces dallettes sont différentes les unes des autres. Quel que soit l’axe que vous allez emprunter vous ne verrez jamais le monument de la même manière. La différence de ces dalettes symbolise la diversité des acteurs et intervenants de l’acte de bâtir. Et c’est l’union de tous ces acteurs qui produisent un ouvrage fini propre aux besoins du client. Donc en gros ce monument symbolise la diversité et l’union.
C’est une œuvre artistique. L’inspiration est artiste, mais l’interprétation est plurielle. Dans l’ensemble, nous somme satisfait de l’écho, car cela contribue à donner de la visibilité à l’architecte. Et c’est une invite aux burkinabè à l’ouverture au monde, à la confiance en eux, et en leurs professionnels.
A votre prise de fonction à la tête de l’ordre des architectes quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés ? Les avez-vous atteints ?
Je suis à mon deuxième et dernier mandat et nos textes sont très clairs: il n’y a pas de troisième mandat. Il faut aussi permettre aux autres de pouvoir apporter leurs touches pour l’édification du métier d’architecte. Au départ, j’avais des nobles objectifs parce qu’il y avait quelques difficultés au sein de notre ordre. On a voulu arranger comme on peut mais je me suis rendu compte que la tâche n’est pas aussi facile que je le croyais ; c’est un milieu où la compétition est très rude et certains architectes n’arrivent pas à faire la différence entre le monde professionnel et le monde social. J’espère que le nouveau conseil va avoir une approche plus consensuelle pour plus d’union de tous les architectes. Il faut ajouter que tous les architectes sont concentrés à Ouagadougou. Il y a éventuellement un à Koudougou et deux à Bobo. La plupart des projets se décident à Ouagadougou. Ce qui rend la compétition plus rude. Aussi l’Etat Burkinabé est le plus grand pourvoyeur de marchés contrairement à d’autres pays où c’est le secteur privé qui est plus dynamique.
Quel bilan tirez-vous de votre mandat à deux mois de son échéance ?
Je peux dire que le bilan est satisfaisant. Nous avons tenté de mieux structurer le fonctionnement de l’ordre en mettant en place des procédures claires dans l’obtention des documents administratifs. Nous avons embauché un assistant comptable pour le suivi des opérations financières plus élaboré. Nous nous faisons accompagner par des juristes pour nos différentes opérations. Nous avons redynamisé le site internet et nos pages de présentation dans les réseaux sociaux. En gros nous avons contribué à donner plus de visibilité au métier. J’espère que le nouveau conseil va exceller là où nous avons mieux fait, et réussir là où nous avons péché.
Et si vous devriez comparer l’architecture du Burkina Faso a celle des autres pays de l’Afrique ?
Dans le domaine de l’architecture le Burkina se défend tant bien que mal. Les nouvelles tendances actuelles indiquent qu’il n’y a pas de quoi se plaindre. Les architectes burkinabè sont très créatifs. Le hic c’est que la population burkinabé n’a pas confiance à ses architectes elle préfère travailler avec des confrères d’autres pays alors que nous venons presque tous des mêmes écoles. Les choses ont beaucoup évolué et je pense que nous n’avons rien à envier aux autres. Nous avons tout ce qu’il nous faut. Il nous faut juste penser plus ambitieux dans nos projets de construction, car ce qui était inconcevable y’a vingt ans est réalisable aujourd’hui à cause de l’ingéniosité des acteurs et de la disponibilité des matériaux modernes de construction.
Que faites-vous pour attirer des vocations auprès de la jeune génération ?
Nous essayons régulièrement d’organiser une activité baptisée le « forum sur le métier d’Architecte » qui consiste à approcher des élèves de 2nd ,1er pour leur expliquer ce que fait l’architecte, qu’elles sont les contraintes du métier, pour faire tomber certaines barrières, en vue de susciter auprès de ces jeunes-là, des vocations. Aussi, plusieurs de nos confrères reçoivent des élèves de 3è de certaines écoles ayant initié en leur sein une forme de stage d’immersion; cela également contribue à susciter des vocations.
Un mot à l’endroit de la population burkinabè
J’invite tous ceux qui ont des projets de construction quelle qu’en soit la taille, à recourir à un architecte. L’architecte vous aide à résoudre vos différentes préoccupations en matière de projet de construction. L’architecte n’est pas présent juste pour construire de gros immeubles ou des grosses villas, il est présent pour vous aider à optimiser votre budget, vous aider à avoir un projet fonctionnel et cohérent. N’hésitez pas à faire appel à un architecte quel que soit la nature de vos projets. Il n’y a pas de petit projet. Tout projet a besoin d’un concepteur. L’architecte est présent pour vous guider, vous donnez des solutions et de bonnes idées ; parce que notre rôle, c’est aussi de vous conseiller.
Interview réalisée par Idrissa Napon
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